La plaisance un immense potentiel pour le développement économique

Malgré les beaux discours, la mer reste désespérément vide et les bateaux sont au port 

En Tunisie la plaisance se meurt devant les mauvaises décisions et l’indifférence des responsables. Nous n’avons jamais su exploiter cette merveilleuse ressource qui est la mer. Si des décisions courageuses sont prises, nous pourrions vite profiter du potentiel extraordinaire de la plaisance pour créer des milliers d’emplois qualifiés et développer une industrie nautique




Photo du port de Sidi Bou Said en plein été: la plage est pleine de monde mais les bateaux restent désespérément au port.


1400 KM DE CÔTES… UNE LITANIE SI SOUVENT ENTENDUE ET JAMAIS SUIVIE D’EFFET

Lorsqu’on parle de plaisance, les responsables politiques, de l’administration et des sécuritaires pensent systématiquement yachts de milliardaires, tourisme au profit de quelques personnes privilégiées demandant toujours encore plus d’avantages, alors que toutes les personnes ayant une petite barque de pèche ou de promenade sont concernés par l'achat d'un petit moteur hors bord, d'une canne à pêche ou d'une planche à voile, sans avoir à s'endetter auprès d'une banque. Dans tous les pays méditerranéens en Italie en Grèce en Turquie, en Croatie... la mer est pleine d'activités de pèche, de loisirs, de transports, sauf chez nous où elle est rendue inaccessible par les taxes douanières, les permis de circulations et les contrôles en mer. On entend souvent la même litanie: "la Tunisie est un pays avec 1400 km de côtes..." et c'est là que s'arrête l'imagination de nos responsables, aucune action concrète n'est tenté, alors que la plaisance c'est bien plus que ça !

La plaisance pourrait drainer des dizaines de métiers qualifiés comme des mécaniciens marines, des électriciens marines, des charpentiers de marines qui sont extrêmement demandés, des grutiers, des plongeurs sous-marins, des électroniciens capable d’installer et réparer Radars, GPS et Sondeurs, des marins pour l’entretien des bateaux, des capitaines diplômés... La plaisance pourrait être également à l’origine de la création d’écoles de voiles qui formeraient les futurs moniteurs des bases navales des hôtels, des écoles de plongées sous-marines, des équipes sportives étrangères qui viendraient s’entraîner en hiver, se loger et faire réviser leurs bateaux. Malheureusement chez nous ce n’est pas du tout le cas.


UNE MER TOUJOURS VIDE DE BATEAUX

Chez nous lorsqu’on regarde la mer, elle est toujours vide de bateaux. A part la petite période estivale et à part quelque barques de pêche le long de la côte, il n’y a souvent aucun bateau qui navigue, alors que le temps est magnifique et que la mer est calme ! Cette situation est due à la totale incompréhension de notre administration face à la mer (de même son attitude face aux arbres qui sont coupés sans vergogne). Les tracasseries administratives sont innombrables : une douane sur les bateaux et équipements nautiques de 30% à laquelle s’ajoute des droits à la consommation de l’ordre de 135%, puis une TVA de 18% bloquent complètement la situation. Les ports avec zéro dinar de budget d’entretien durant des années, des contrôles en mer par plusieurs corps différents : Garde Nationale, Police des Frontières, Marine Nationale, Douane. Des fiches de sorties du port comportant les noms numéros de cartes d’identité de toutes les personnes à bord et ceci pour une simple balade en mer de quelques minutes, des déclarations pour se rendre de ville en ville, des déclarations sur le nombre de cigarettes à bord…

Tout ceci alors même que le Texte des Congés de Police des bateaux tunisiens (ci-dessous), qui est en quelque sorte la Carte Grise du bateau et qui date d’avant l’indépendance est magnifique et "Ordonne de donner faveur, secours et assistance".

 

Texte actuel des Congés de Police de tous les bateaux tunisiens (texte datant d’avant l’indépendance)

« Vu la loi… et la loi…, en vertu de l’acte de nationalité…, vue les déclarations faites et les documents déposés, le présent Congé est délivré à Monsieur… pour sortir du port avec son bateau nommé…, en conséquence le Président de la République, prie et requiert tous Souverains, Etats amis et alliés de la Tunisie et leurs subordonnés, ordonne à tous fonctionnaires publics, aux commandants des bâtiments de l’Etat et à tous les autres, qu’il appartiendra de laisser sûrement passer avec son dit bâtiment, sans lui faire, ni souffrir qu’il lui soit fait, aucun trouble ni empêchement quelconque, mais au contraire de lui donner faveur, secours et assistance partout ou besoin sera »

 


Congé de Police, Carte Grise des bateaux tunisiens.



De plus ces contrôles au port et devant le port sont des « tahlimet » carrément contraires à la chère Liberté de Circulation inscrite dans la Constitution et ne servent à rien, car les procédures de contrôles telles quelles sont réalisées actuellement, ne peuvent empêcher l’immigration clandestine, car tout simplement une personne avec l'intension de se rendre en Europe sans visa ne va pas venir faire une déclaration à la Garde Nationale avant de "bruler"! Le rôle des officiers en mer est de patrouiller au large pour neutraliser l’immigration clandestine, empêcher la pêche interdite, repérer les bateaux pollueurs et sauver les bateaux et les personnes en danger, pas de démultiplier aux plaisanciers les tracasseries administratives pour une simple balade en mer. 


NOTRE CLIMAT EST UNE BÉNÉDICTION

Notre atout le plus évident et auquel on ne pense même plus c’est le climat, la température est clémente la plupart du temps, la mer est peu profonde et sa température est douce, il fait bon et doux tout au long de l’année ! Le golfe de Tunis est le plus souvent protégé des grands vents et ne soulève pas une mer importante. La proximité de Korbous et de Sidi Ali El Mekki offrent aux habitants de Tunis des paysages vierges absolument magnifiques - jusqu’à présent, car une pollution de la vanne ONAS au large de Raoued, des déversements à Hammam Lif et aux port de La Goulette ainsi qu’une pollution plastique sont entrain de dégrader rapidement cette situation. La côte Nord profonde recèle quant à elle des trésors en richesses sous-marines et la côte Est a des plages qui n’ont rien à envier aux Maldives ou aux Caraïbes.

Comment ne pas voir qu’un investissement en infrastructures qui permettraient d’éviter définitivement de déverser le trop plein des stations d’épurations dans la mer, ou du phosphate à Sfax ou à Gabes, sauverait non seulement, la beauté des plages, la pureté de l’eau, mais  également notre santé -réduisant ainsi les couts de santé publique- et toutes les activités côtières telles que la pêche, la restauration de plages, les centres d’activités sportives… autant de facteurs essentiels à plusieurs secteurs de notre économie.


DES SLOGANS SIMPLES

Il est certain qu’avec la situation actuelle du pays et la morosité ambiante, toute proposition même raisonnable, semble loin des préoccupations de nos gouvernants et quasi impossible à mettre en œuvre. Pourtant nous n’avons pas le choix, ceci est notre terre, ceci est notre planète, nous ne pouvons continuer à polluer ainsi. Un projet futur ambitieux doit être établi par l’état afin de redonner espoir et de mobiliser les gens, surtout notre jeunesse qui ne demande qu’à y croire. Pour cela « il suffit » de se donner des objectifs à court, moyen et long terme et de s’y tenir. Des slogans simples comme « Tunisie propre » ou « L’eau est précieuse » sont faciles à mettre en œuvre et nos agences de publicités sont plus que compétentes pour les diffuser à grande échelle.

Pour développer notre économie il faudrait accroître le potentiel avec des idées et de grands rêves seuls capables de drainer l’argent des investisseurs et d’inciter à la consommation. Plus facile à dire qu’à faire c’est certain, mais quelle est l’alternative ? Pour le moment nous avons la capacité mais pas la volonté pour agir car ce sont des projets qui profitent à la communauté et non uniquement à des personnes. 

Le ministère du Tourisme n’est pas le seul décideur: le ministère de l'Equipement gère l’infrastructure (les ports essentiellement); le ministère des Transports à travers la Marine Marchande est en charge de la réglementation maritime; le ministère de l’Agriculture exerce la tutelle sur les ports de pêche; le ministère des Affaires Locales et  de l’Environnement agit à travers l’Agence de Protection et d’Aménagement du Littoral (APAL); le ministère de l’Intérieur est en charge de la sécurité de la police des frontières et des étrangers ainsi que de la Garde Nationale; les gouverneurs accordent les autorisations des bases nautiques; le ministère des Finances est concerné au titre de la fiscalité et des douanes, etc… Il est donc très difficile de prendre une  quelconque décision. Notre système économique de rentes, issu du Parti Unique, avait déjà tout verrouillé et il est à présent temps que les choses changent. 

LA PLAISANCE COMME LEVIER DE L’ÉCONOMIE

La plaisance servirait à créer une dynamique qui pourra être appliquée à d’autres secteurs, en créant une synergie entre le tourisme, l’industrie, la douane, les ports, la marine marchande, la garde nationale… Il faudrait également penser au recyclage de certains métiers vers ceux de la mer, plus qualifiés. Par synergie il faut entendre mettre tous les responsables autour d’une table afin de supprimer chaque entrave au développement de la plaisance, l’état doit tendre à se désengager de ce secteur et laisser la place à l’initiative privée. Quel est le risque ? De toute façon le secteur est complètement à l’arrêt et un retour à une réglementation stricte est toujours possible.

Continuer à développer des projets de type marinas en utilisant le savoir-faire et la flexibilité des privés pour exploiter d’anciennes infrastructures quasi obsolètes de l’état, comme des ports aux pontons en ruines avec un ensablement qui empêche toute circulation des bateaux.

L’industrie nautique est restée à l’état primitif et pourrait devenir beaucoup plus active si elle avait déjà un marché local et maghrébin pour se développer. Plusieurs expériences réussies sont tout de même à noter à Menzel Bourguiba, Haouaria ou à Hergla. Cette industrie nautique est à portée de mains puisqu’une main d’œuvre ultra qualifiée existe déjà au chantier naval de Menzel Bourguiba.


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